Les déplacements en région parisienne sont connus pour être longs et souvent fastidieux ; c'est là où je vis et travaille. L'usure de l'esprit n'est jamais bien loin...
Redécouverte sur le tard, la photographie me permet d'entretenir un rapport esthétique au monde assez joyeux, quelque chose de bergsonien sans doute.

Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal.” * Ainsi de la photo, d'une prise réussie. 

Toutes ces images n'expriment pas ce sentiment, pas plus qu'elles n'ont toutes été réalisées joyeusement, revers obligé : le quotidien ne l'est pas toujours, joyeux. 

Disons que la quête de ce signe domine en pratique, malgré les contrariétés (cette pratique dans la rue ne va pas sans quelques contrariétés). Mais la joie qu'une prise réussie peut procurer, aussi surprenante, brève et rare que peut l'être une manifestation météo peu habituelle, me suffit - et n'ai pas d'autre projet photo que de ressentir ça. J'ai déjà un travail fort prenant à l'hôpital pour ne pas m'en rajouter un autre !

D'aussi loin que je me souvienne, je suis passionné par les images fixes plutôt typées reportage, prises à la focale courte.

PS, qui n'a rien à voir : vu la gueule de la planète, celle ou celui qui me fera monter dans un avion pour étancher, loin, une “soif de voyage” (instagramer ou fesse bouquiser le monde de son tourisme écocide) n'est pas encore né/e, et je voyage sur place…
 

* Bergson, La conscience et la vie in L’énergie spirituelle, Puf Quadrige, écrit p.23-25


Traveling in the Paris region is known to be long and often tedious; this is where I live and work. The wear and tear of the mind is never far away... Rediscovered late in life, photography allows me to maintain a rather joyful aesthetic relationship with the world, something Bergsonian no doubt. “Philosophers who have speculated on the meaning of life and on the destiny of man have not noticed enough that nature has taken the trouble to inform us about this herself. It warns us with a precise sign that our destination has been reached. This sign is joy. I say joy, I don't say pleasure. Pleasure is only an artifice devised by nature to obtain from the living being the preservation of life; it does not indicate the direction in which life is headed. But joy always announces that life has succeeded, that it has gained ground, that it has achieved a victory: all great joy has a triumphal accent." Thus of the photo, of a successful capture, in particular. All these images do not express this feeling, any more than they were all made joyfully, an inevitable setback: everyday life is not always joyful. But it is nevertheless this feeling which dominates, at least the device gives me the effect of a good coffee. Photo practice forces me to remain ultra-attentive to the most singular and fleeting moments of this daily life, which I document... As far back as I can remember, I've been fascinated by still images, mostly taken at short focal lengths

PS: given the face of the planet, the one who will take me on a plane to satisfy, far away, a “thirst for travel” (instagram or fb fuck the world of his ecocide tourism) is not yet born . I travel there...